Fragments d'un amour perdu
- Santiago Toledo Ordoñez
- 20 janv.
- 5 min de lecture
Dans un quartier moderne, où les immeubles en verre s'élevaient comme des géants silencieux, vivait Julia, une jeune femme qui avait grandi avec l'idée que l'amour était une question de trouver la personne idéale et d'être heureuse pour toujours. Depuis son enfance, elle avait vu des films où l'amour était parfait : deux âmes qui se rencontraient, se comprenaient parfaitement et, sans effort, construisaient une vie ensemble. Mais à mesure qu'elle grandissait, cette vision commença à se désintégrer comme un château de sable à la merci du vent.
À vingt-huit ans, Julia se retrouvait piégée dans la tourmente de la société moderne : son travail absorbait la majeure partie de son temps, ses relations étaient superficielles et ses rendez-vous, bien que nombreux, semblaient plus des échanges vides que des rencontres significatives. Les réseaux sociaux, avec leurs images polies de vies parfaites, lui disaient constamment qu'elle devait être heureuse, mais au fond d'elle, elle se sentait vide, comme si quelque chose d'essentiel lui manquait.
Un jour, lors de l'une de ses sorties, elle rencontra Lucas, un homme sympathique, séduisant et surtout très populaire sur les réseaux. Les conversations avec lui coulaient facilement, mais au fil des jours, Julia commença à remarquer qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas. Lucas semblait avoir tout ce que n'importe qui pourrait désirer : succès, admiration et une vie apparemment parfaite. Pourtant, il y avait quelque chose dans son regard qui reflétait une profonde solitude, une déconnexion qui se cachait derrière son sourire parfait.
Un dimanche après-midi, alors qu'ils se promenaient dans un parc de la ville, Julia lui posa enfin la question : "Que cherches-tu vraiment dans une relation ?"
Lucas la regarda fixement, comme si la question l'avait sorti de son état de transe, et après quelques secondes de silence, il répondit : "Je cherche à me sentir complet. Je pense que l'amour est quelque chose qu'on doit trouver, quelque chose qui te fait sentir que tu n'as besoin de rien d'autre. Mais je ne sais pas si je le comprends vraiment."
Ces mots résonnèrent dans l'esprit de Julia. Que signifiait vraiment l'amour ? Était-ce quelque chose que l'on devait trouver, comme un trésor perdu, ou quelque chose que l'on devait construire jour après jour avec effort, compréhension et engagement ?
Au fil du temps, Julia se rendit compte que sa relation avec Lucas, bien qu'elle fût remplie de moments intenses, s'était transformée en un cycle répétitif d'attentes non comblées et de déceptions silencieuses. L'amour qu'ils partageaient ne se nourrissait pas de la connexion profonde que Fromm décrivait dans son livre *L'art d'aimer*. Au lieu d'un amour basé sur le respect, la compréhension mutuelle et la responsabilité, tout semblait être une question de satisfaire des désirs immédiats, comme s'ils étaient pris dans une quête constante de gratification instantanée.
Un jour, alors qu'ils marchaient ensemble dans une rue animée, Julia prit la main de Lucas et lui dit, avec un mélange de tristesse et de détermination : "Je pense que nous ne savons pas vraiment comment nous aimer. Nous ne nous connaissons pas vraiment, nous partageons seulement des fragments de nous-mêmes. Et cela ne suffit pas."
Lucas la regarda, et dans ses yeux, il y avait un mélange de perplexité et d'acceptation. Dans son cœur, il savait que Julia avait raison. Ils avaient tous deux confondu l'amour avec l'idée de possession, de trouver quelqu'un pour combler un vide dans leurs vies, sans comprendre que le véritable amour n'était pas quelque chose qu'on prend, mais quelque chose qu'on donne, quelque chose qui exige de l'effort, de la dévotion et une véritable connexion.
Au fil du temps, Julia commença un voyage vers la connaissance de soi. Elle se rendit compte que l'amour ne pouvait pas être un objet de consommation, ni quelque chose que l'on attendait simplement d'une autre personne. Elle comprit qu'elle devait apprendre à s'aimer elle-même, à comprendre ses propres désirs, à guérir ses blessures intérieures et à développer une relation saine et profonde avec le monde qui l'entourait.
Un jour, alors qu'elle se promenait dans le même parc où elle avait parlé avec Lucas, Julia sourit. Elle ne ressentait plus cette solitude qui l'accompagnait auparavant. Elle savait que le véritable amour, celui que Fromm avait décrit, ne résidait pas dans la recherche de la personne parfaite, mais dans la construction de relations basées sur le respect, le soin mutuel et le désir sincère de grandir ensemble.
L'amour, pensa Julia, n'est pas une transaction ni une quête de satisfaction immédiate. C'est un art, un art qui se cultive avec le temps, avec patience et la volonté de comprendre et d'accompagner l'autre dans son voyage. Et surtout, un art qui commence par soi-même.

La relation entre l'article et ce que propose Erich Fromm sur l'amour et sa désintégration dans la société contemporaine peut être comprise sous l'angle de la manière dont les dynamiques de la société moderne affectent la nature de l'amour et des relations humaines. Fromm, dans *L'art d'aimer*, souligne que l'amour véritable a été remplacé par une conception superficielle et transactionnelle, où les relations sont vues comme des échanges de besoins personnels et émotionnels immédiats, plutôt que comme une construction profonde et significative.
L'article aborde la fragmentation croissante des relations dans la société actuelle, un phénomène qui coïncide avec ce que Fromm décrit comme la crise émotionnelle et sociale contemporaine. Aujourd'hui, les relations humaines sont réduites à des rencontres plus superficielles, où les individus se cherchent principalement pour satisfaire des besoins émotionnels immédiats, sans comprendre le travail nécessaire pour construire une connexion authentique et durable. Ce phénomène est parallèle à la critique de Fromm de la société capitaliste, où les gens ont tendance à voir les relations comme des objets de consommation, cherchant une satisfaction immédiate, comme si l'amour était une marchandise qui pouvait être achetée ou échangée.
Fromm observe que, au lieu de créer des relations nourries par la responsabilité, le soin et le respect mutuel, beaucoup de personnes abordent l'amour comme une manière de soulager la solitude ou le vide personnel. Cette approche conduit à la désintégration de l'amour authentique, qui résulte d'une connexion profonde entre deux personnes qui se comprennent, se soutiennent et grandissent ensemble. La société moderne, avec son accent sur l'individualité et le consumérisme, a déformé cette vision, amenant les gens à voir l'amour plus comme un moyen de se compléter que comme un processus de construction commune, un processus qui, selon Fromm, nécessite dévouement et effort constant.
La connexion entre ce que Fromm propose et ce qui est décrit dans l'article est claire : nous vivons à une époque où l'amour et les relations humaines sont constamment menacés de désintégration sous la pression de la gratification instantanée, de l'individualisme et de la superficialité. En conséquence, le véritable amour, celui qui repose sur une connaissance mutuelle et un effort conscient de la part des deux personnes, a été remplacé par des relations plus éphémères, qui ne favorisent pas la croissance mutuelle ni la compréhension profonde.
Fromm nous rappelle que l'amour ne peut pas être simplement un acte d'échange, mais un processus actif qui nécessite dévouement, effort et, avant tout, une compréhension sincère de l'autre, en le voyant non seulement comme un moyen de satisfaire nos propres besoins, mais comme un être complet avec ses propres sentiments et aspirations. En ce sens, le véritable amour, selon Fromm, est un art qui doit être cultivé au-delà des pressions sociales, commerciales et de gratification immédiate qui dominent la société actuelle.
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